Il était une fois une petite poule rousse, si petite que jamais on ne vit poule aussi petite. Elle était la risée des autres poules du Petit Trianon. Mais, elle n'en avait cure, la reine Marie-Antoinette qui aimait tant venir jouer à la bergère dans cette chaumière cosy, était très gentille avec elle. La reine était plus gentille avec elle qu'avec tous les autres animaux. Tout n'était que douceur en ce lieu, et Roussette aimait particulièrement le parfum des fleurs de ce parc magique. 

Sa vie était agréable, malgré les railleries de ses comparses. Tout aurait pu même être parfait si elle n'avait pondu des œufs touts petits eux aussi. Pour faire plaisir à la reine, elle essaya tous les moyens pour parvenir à pondre des œufs  aussi gros que ceux des autres. Elle picorait dans le jardin tout en grommelant "je voudrais pondre de plus jolis œufs".

Un jour elle se prit la patte dans un anneau tout en pensant à son vœu. Or, il s'agissait d'un anneau magique, arrivé là on ne sait trop comment, et son vœu se trouva exhaussé. Dès le lendemain, elle pondit un œuf, non pas plus gros, mais en cristal. Roussette ne savait pas ce que c'était, mais elle vit bien qu'il était plus beau que tous ceux qu'elle avait pu voir. La reine charmée, emporta Roussette jusqu'au château et l'installa près de ses appartements.  La petite poule eut dès lors une vie de rêve, jouant avec les enfants, dormant sur des coussins de velours.

Mais, un jour, un terrible vacarme se fit entendre dans le parc, des cris multiples et violents résonnaient devant les portes. La reine et toute sa famille ont fui en oubliant Roussette. Celle-ci profita du remue-ménage et de sa petite taille pour s'échapper. Elle se retrouva seule dans la campagne. 

Tout en cherchant à manger, elle suivit une route et se retrouva dans un village, sur une place de marché. Là un homme en sabots se tenait devant un tas de cages où des volailles de toutes sortes étaient prisonnières.  Roussette le vit trop tard pour l'éviter et l'homme avait jeté sa cape sur elle et la voilà captive.  Elle avait eu très peur, et avait faim et soif, car l'homme ne se souciait pas du confort de ses bestioles, seuls importaient leur vente et le profit qu'il en tirerait.

Après ce qui lui sembla une éternité, une vieille dame tout de noir vêtue, se pencha sur sa cage. Roussette fit gonfler ses plumes pour paraître plus grande. Mais c'est au contraire sa mignonnerie qui avait plu à la dame.  Cette adorable petite poule serait une compagne charmante et utile aussi, à cause des œufs.

Quelle ne fut pas sa surprise, lorsque Roussette, après plusieurs jours, et s'être remise de ses émotions, la gratifia d'un bel œuf en cristal. Elle bénit sa rencontre, mais garda le secret et enferma les œufs précieux dans l'espoir de pouvoir les vendre plus tard à la ville voisine.

Les mois passèrent, le froid s'installa, annonçant Noël.  La dame était si gentille que Roussette aurait voulu la remercier de l'avoir sauvée avec de plus gros œufs. Elle recommença à marmonner "je voudrais pondre de plus jolis œufs".  Elle vivait sa petite taille comme une malédiction, sans réaliser que c'est ce qui la rendait adorable, ni que ses œufs étaient précieux. Elle s'obstinait, marmonnait, désespérait.

L'anneau était resté à sa patte, et comme la première fois, il permit au vœu de se réaliser.  Le jour de Noël, Roussette pondit un œuf en or.  Devant ce nouveau miracle, la dame faillit perdre connaissance.  Sa joie était immense, enfin elle sortirait du piège de la précarité, elle pourrait songer à tenir à nouveau son rang. Peut-être même inviter sa fille, partie vivre au loin après son mariage avec un homme fortuné.

Voyant la dame si joyeuse, Roussette comprit qu'elle avait réussi et s'accorda le droit de savourer la paix et la douceur de sa vie.

Atelier d'écriture du 17 décembre 2021

Peinture de 2017