• Le silence ou Bach ?

    La question peut sembler étrange, voire incongrue, c'est pourtant celle que pose un film non moins étrange "Le Silence avant Bach", film germano espagnol de Pere Portabella sorti en 2008.

    Le silence ou Bach ?

    Ce film n'est pas l'histoire de la vie de Bach, pas plus que celle de sa musique. Il s'agit d'allers-retours dans le temps et l'espace, entre l'époque où Bach s'installe comme Cantor à saint Thomas de Leipzig , celle où les romantiques redécouvrent sa musique et nos jours ; de l'Espagne à l'Allemagne, par l'intermédiaire de personnages qui voyagent et font voyager la musique- chauffeurs routiers, interprètes, allers-retours aussi entre tradition et évolution.

    A la frontière du documentaire et de la fiction Pere Portabella propose, à travers une série de tableaux plus ou moins provocateurs, clins d’œil en direction des aficionados de l'art conceptuel et des mélomanes, une réflexion sur l'importance de la musique dans notre paysage et notre vie. Jusqu'à des questions aussi graves que ce fameux « silence » avant Bach, ou plutôt n'y avait-il que du « bruit » avant lui ? La musique peut-elle guérir de tout, même de l'horreur – conversation à propos de l'utilisation des concerts dans les camps d'extermination, et peut elle alors faire souffrir ? La musique est-elle vraiment partout, prête à être cueillie comme il le sous-entend, pour peu que l'on veuille bien faire un effort ? La musique existe-t-elle si elle est privée d'interprètes ?

     

    Le silence ou Bach ?

     

    Lorsque François-René Duchâble quitte le devant de la scène en 2003 et abandonne sa carrière de concertiste il jette par deux fois un piano - ou plutôt une carcasse de piano, symbolique - dans les eaux des lacs d'Annecy et de La Colmiane. Cette image choc figure dans le film, comme l'un de ses questionnements.  Baptême purificateur, rupture avec un système élitiste... Le geste est fort. 

    Autre image forte, en exergue au film, celle du célèbre violoniste Joshua Bell jouant incognito sur son stradivarius pendant 40 minutes, six œuvres dont une partita de Bach, dans le métro de Washington en janvier 2007, à une heure de pointe. Sept personnes se sont arrêtées et il a gagné près de soixante dollars – une place à l'un de ses concerts en coûtait alors 100. 

    On le voit ce film pose de vraies questions auxquelles la réalité répond par le questionnement des artistes contemporains. Et s'il est vrai que la musique de Bach a failli disparaître si Mendelssohn ne l'avait redécouverte par hasard - la scène du marché dans le film - une question reste en suspens, car peut-on vraiment y répondre, c'est bien celle du silence face à la barbarie : quelle peut-être la place de l'art et de l'artiste dans une société qui a abjuré son humanité ?

     

    Le Silence avant Bach
    Un film de Pere Portabella avec Alex Brendemühl, Feodor Atkine, Christian Brembeck, Daniel Ligorio
    19 novembre 2008 (1h42min)
    Article repris depuis "Encrer le Monde"  - écrit à l'origine après avoir vu le film à sa sortie
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  • Commentaires

    1
    Jeudi 19 Juin 2014 à 11:37

    Bonjour Fardoise, je ne connais pas ce film, mais j'avais vu la vidéo de Joshua Bell, surprenant!

    https://www.youtube.com/watch?v=lHcbDXsLLPk

    Quelle peut être la place de l'art et de l'artiste dans une société qui a oublié ce qu'est l'Art?

    Passe une belle journée tout de même, amitiés.

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    2
    Jeudi 19 Juin 2014 à 12:22

    Le film est un peu ardu et rébarbatif par moments, mais reste pour ces questions. Merci pour ton commentaire et bonne journée à toi aussi

    3
    Maïec D.
    Dimanche 29 Juin 2014 à 09:25

    J'ai écouté avec plaisir le concert donné à Sarajevo en souvenir de la déclaration de guerre de 14. Très belle programmation avec des oeuvres que l'on entend rarement: "en avant " de Berg, le chant du destin, de Brahms, et la Valse de Maurice Ravel. Une excellente exécution de l'orchestre de Vienne dans l'ancien Hôtel de Ville de Sarajevo, maintenant bibliothèque municipale de la ville. Ce monument a été parfaitement restauré après destruction totale au moment de la guerre, il y a 20 ans.

    A l'époque de cette guerre, un concert a été donné , à Noël, par des musiciens de la ville. Ils étaient blêmes, amaigris, enthousiastes cependant, puisqu'ils espéraient que la musique éteindraient les passions. Je me souviens de ce concert avec émotion. Ils étaient sans doute les parents ou grands-parents des choristes qui ont si bien chantés hier.

    Il faut y croire: l'art ne peut que triompher de la barbarie...avec le temps.

     

    4
    Lundi 30 Juin 2014 à 07:11

    Merci Maiec, je n'ai pas écouté ce concert et à lire ce commentaire, je le regrette. Il faut encore espérer que l'art peut triompher de la barbarie.

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